[Texte] De zéro en héros

De zéro en héros

Mattéo
« Je veux et j'exige d’exquises excuses »

Nous avons eu un mal fou à le trouver. Pourtant ce tas de muscles de 1m90 ne passe pas inaperçu ! Garde du corps et sauveur du monde, il revient en exclusivité pour notre quotidien sur les évènements qui ont menacé notre planète.
Propos recueillis par J.R.

Allez-y Mattéo, racontez-nous.
Mattéo Eh ben je... Je suis...

Vous êtes membre de l'organisme « Les Missionnaires ».
Non. Je l'ai quitté il y a quelques temps.

C'était un besoin de liberté ?
(Il prend une grande inspiration et semble réciter de mémoire De liberté je sais pas, c'était surtout pour prendre du recul, réfléchir aux évènements qui venaient de se dérouler sous mes yeux, auxquels j'ai activement contribué et...

Vous pouvez nous parler avec franchise, nous ne sommes pas là pour vous juger.
(Il semble vérifier que personne d'autre n'est dans la pièce et s'exclame avec hargne C'était surtout pour nicker sa race à ce putain de Dieu de zygoto de Dario ! Cet hijo de Spéculoos a fait de ma vie un enfer, il fallait que je prenne un nouveau départ, alors je suis parti pour être seul avec lui et que ma nouvelle vie commence. Mais le problème c'est que ça n'a pas très bien commencé...

Pourquoi est-ce que ça n'a pas bien commencé ?
Ben il n'était jamais seul, toujours flanqué de Raul et Sara. Impossible de le coincer et de le défoncer tranquillement, ses gardes du corps m'auraient tué avant que je lui fasse un deuxième trou du cul à la manière d'un suppositoire. T'façon c'est toujours comme ça avec moi, ça commence mal et ça finit encore plus mal. Tout ce que je fais se retourne contre moi, tous ceux que j'approche me trahissent ou meurent... La meuf d'un pote m'a dit que je lui faisais penser à la queue de son chat Swiffer, toujours à attirer la poussière et les saletés, sans en louper une. Bien plus efficace qu'un aspirateur!

Comment vous expliquez ça, Mattéo ?
(Long silence. Il finit par hausser les épaules en expirant:) Je sais pas. Est-ce qu'on a toujours besoin d'avoir la raison du pourquoi dans la vie ?

Qu'est-ce qui s'est passé avec ce garçon ?
Dario ? Il a détruit ma seule raison de vivre.

C'est tout ?
Est-ce que ce n'est pas déjà suffisant ?!

Quelle était votre raison de vivre ?
(Il replonge dans ses souvenirs. Sur son visage défilent des dizaines d'expressions : tristesse, colère, joie, tendresse...) Judith.

Qui est Judith ?
(Il sourit en y repensant:) Judith c'était ce petit bout de femme au caractère bien trempé, rousse, forte... (Il s'agite en essayant de rectifier le tir:) Pas grosse, hein, mais forte en muscle. Je ne peux pas vous la décrire, elle était tout et rien. Il y a tant de choses à dire à propos d'elle et si peu à la fois... Elle refusait de se livrer entièrement.

Pourtant elle s'est ouverte à vous, je me trompe ?
J'ai eu la chance de découvrir une Judith inédite, celle qu'elle-même refusait de montrer. Et cette Judith-là a été la plus belle rencontre de ma vie. (Il rit) Ce n'était pas facile tous les jours avec cette femme, impossible de lui résister !

Elle avait beaucoup de caractère ?
Oui, une vraie femme émancipée, qui donnait l'impression de ne pas avoir besoin de nous les hommes, et elle le valait bien !

De ce que vous nous en dîtes, Judith semblait pouvoir se débrouiller seule dans ce monde violent. Comment expliquez-vous qu'elle vous ait engagé comme garde du corps ?
(Il sourit) Mon charme fou, évidemment !... (Il reprend son sérieux) Elle a eu pitié de moi. (Il devient sombre) Je l'ai presque suppliée de m'engager. (Son visage s'est fermé, il rumine le passé).

Pourquoi ?
Parce qu'elle méritait qu'on la protège. Elle le faisait d'elle-même, je suis d'accord, mais pas de la manière dont je l'ai fait. Je ne lui ai pas offert mes muscles ou mes armes, mais de la tendresse. De l'Amour même. Et ça n'a pas été suffisant pour la garder auprès de moi. Il n'y a que dans les dessins animés que les héros survivent grâce à un baiser ou à un sentiment sincère. Mais là c'était la vraie vie...

Vous sentez-vous coupable de sa mort ?
(Il détache chaque syllabe avec mordant, son regard plongé dans le mien Je ne l'ai pas tuée. (Un temps) Mais j'aurais pu empêcher sa mort.

Comment ?
Ben en tuant Dario. Un bon coup de pied, histoire de le déséquilibrer, il tombe à genoux, un coup de boule, il est à terre, il en bouffe, il se retourne pour voir mon visage et me supplier de lui laisser la vie. Là, soit Raul et Sara viennent le sauver, soit je le laisse filer, soit je lui tire une balle entre les deux yeux.

Quel choix auriez-vous retenu si ça arrivait maintenant ?
Le pistolet, sans hésitation ! En plus j'en ai un nouveau, super léger et agréable au toucher, le vendeur m'en a dit que du bien, faut que je le teste ! Et puis ça détend de descendre un mec qui mérite pas de vivre, j'sais pas si vous avez déjà essayé...

Euh non...
Et bah ça fait du bien ! Après on a bonne conscience, c'est comme quand on fait un don pour le Téléthon : on le fait une fois dans l'année et, les 364 autres jours, on y pense pas à tous ces handicapés. Remarquez, j'aurai aussi pu choisir de rendre Dario infirme, qu'il se souvienne chaque jour de la raison de son malheur.

Vous savez bien que faire du mal à Dario ne ramènera pas Judith. Pourquoi tenez-vous tant à la venger ?
Parce qu'elle aurait fait la même chose pour moi. (Il sourit d'un air moqueur) Sauf que je me serai pas laisser buter aussi facilement ! Et qu'elle m'aurait déjà vengé depuis longtemps, Judith elle était pas du genre à laisser traîner les choses. A c't'heure-ci Dario serait déjà 6 pieds sous terre, à faire la causette aux vers de terre. (Un temps) Mais finalement, si Judith est morte et moi pas, si Dario est encore en vie et pas Judith... C'est logique, non ? Peut-être que... (Il semble se raviser).

Oui Mattéo ?
Peut-être que j'ai jamais mérité mieux que ça.

Que voulez-vous dire ? Je ne suis pas sûre de vous suivre...
Ben vous voyez, je suis pas une lumière, je suis pas rusé comme un renard . Et c'est peut-être ça qui fait que je suis encore en vie. Je ne fais que suivre ma route sans poser de question là où d'autres réfléchissent avant d'agir, calculent le meilleur itinéraire, évaluent les différents possibilités. J'ai esquivé chaque piège sans le savoir. Un peu comme dans ces dessins animés que regarde Raph : un coyotte qui tente par tous les moyens de tuer une autruche. L'autruche elle fait sa vie, y'a des explosions partout autour d'elle mais elle est trop bête pour s'en rendre compte. Stupide volatile ! Elle sait même pas voler... Dario est dans la survie, il se cache et agit dans l'ombre en prenant le moins de risques possibles. Judith est... Était dans l'instinct, elle agissait selon ses envies. Et moi... Moi, hélas, je ne suis qu'un pigeon : on me dit quelque chose, je le fais. On me dit d'aller à un endroit, j'y vais. J'ai jamais passé un seul jour de ma vie sans me faire avoir. Tout ce qu'on m'a promis j'y ai cru avec l'énergie du désespoir. Et ça n'a pas suffit : je n'ai jamais rien réussi, ni à servir pour quelque chose, ni à compter pour quelqu'un, ni à être heureux, ni même malheureux... Sûrement qu'on doit être malheureux quand on a perdu quelque chose, mais j'ai jamais rien eu à moi à part ma naïveté... A quoi bon ?

Comment voyez-vous votre avenir Mattéo ?
Je sais pas... Tuer Dario est devenu ma raison de vivre. Mais après ça ? Y'a rien ni personne qui m'attend. Autour de moi ça s'agite, les gens vont et viennent sans prendre le temps de poser leur regard sur moi, j'ai beau mesurer quasiment 2 mètres, je suis invisible aux yeux du monde !, ils sont pressés, chaque nouvelle seconde les rapproche de la mort, faut pas en perdre une miette ! Mais ça sert à rien de faire la course contre le temps, il gagne toujours.

Une dernière question : quels mots envisagez-vous de dire à Dario lorsque vous serez seuls l'un en face de l'autre ?
« T'endors pas, c'est l'heure de mourir. »

J'ai bien aimé en format interview, très sympathique^^

Original comme format oui
J'aime bien voir Mattéo hyper sûr de lui quant au fait de tuer Dario, c'est bien retracer l'esprit dans lequel il devait être ^^. Et la dernière phrase clôt bien le tout !

J'adore l'idée de l'interview, c'est très bien écrit. Mais commme Yao je ne vois pas trop Mattéo parlait autant.

Je suis assez d'accord avec yao et Akatsukie. Autrement ça rend très bien avec ce format !

Beh moi j'ai bien aimé, parce que tu nous as donné TON point de vue sur qui était Mattéo, sur ce qu'il ressent, sa façon de voir les choses, etc... C'est très personnel et ça m'a touché. Le format est original, de plus. Bravo !

J'ai beaucoup aimé le format de ce texte.
C'est agréable à lire et ça se lit bien.

Par contre j'avoue que je n'aurais pas vu Mattéo comme cela, mais Louwizz a raison, c'est très personnel comme ressenti et c'est intéressant de voir le tien

Yao : le mot suppositoire est aussi dans le texte

Aaaaah, enfin pouvoir m'exprimer sur mon texte !

Je me suis très largement inspirée de la scène d'ouverture du film "La fille sur le pont" (avec Vanessa Paradis et Daniel Auteuil, à voir absolument !) : Adèle, jeune fille paumée, répond à une interview. La journaliste pose des questions qui vont être de plus en plus précises afin d'extorquer un maximum d'informations sur les tourments internes de l'interrogée. C'est finalement comme une séance de psychologie. J'ai imaginé la même chose pour Mattéo, lui pourtant taciturne et peu enclin à l'ouvrir. Ses premiers mots sont hésitants mais, finalement, il va se livrer, il va nous ouvrir son coeur. Je trouvais intéressant qu'il se confie, même si, parfois, je n'ai pas forcément respecté le personnage. Mais c'est comme ça que je le vois, surtout dans cette période de transition où il doit se reconstruire des repères. Et ça passe par une remise en question de soi-même : en dire trop et se décrire comme peu intelligent fait partie du travail qu'il devra faire pour retrouver une estime de soi plus tard.

Merci à tous ceux qui m'ont lue, vos commentaires m'ont fait très plaisir ! C'est ma première fan-fiction, cet exercice m'a beaucoup plu !